Requiem pour une grosse
Je me suis dit qu'un jour je devrais mettre par écris tout ce qui ne va pas avec ce phénomène commercial qui touche le monde de la moto, sans lui faire aucun bien, et surtout sans aucune raison valable, la BMW GS. Malheureusement, dans l'objectif de rester lisible et de garder ce petit texte dans un format compact je ne pourra pas citer toutes les raisons qui font que cette machine est un boulet pour tous ceux qui ne touchent pas "une com" dessus, alors je ferais de mon mieux pour pointer l'essentiel
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Quand j'étais petit, vers 8 ou10 ans, alors que j'étais un fervent adepte du
“vélocross”, mes parents m’ont offert un BMX. En 1979, ce Raleigh SuperCross
noir était le premier vrai BMX que nous ayons vu de nos propres yeux.
Jusque-là, le vélocross avait d’abord consisté à enlever les gardes boue
sur des vélos de ville, enlever les lumières et, à la limite, souder une barre
de renfort au milieu du cadre pour résister aux petits sauts qui faisaient nos
mercredi après-midi. Puis de véritables vélos conçus pour le tout terrain
apparurent avec le Raleigh Griffer et son petit frère le Strika. Vinrent
ensuite les Choppers puis les Choppers équipés de suspensions, pour culminer
avec le Yamaha Moto-Bike, véritable motocross à pédale.
Il ne m’aura fallu que quelques minutes pour oublier le vélo Yamaha et
surtout pour réaliser que tous les signes apparents du vélo conçu pour le cross
n’avaient plus aucune importance. Selle biplace, garde boue cross, vitesses,
suspensions avant ou arrière… rien de tout cela n’allait m’apporter cette
sensation grisante de vitesse, de puissance et de liberté que le BMX
m’apportait. Plus que tout autre chose, le super pouvoir de ce BMX était de
disparaître, de n’être plus qu’une extension qui me permettait de faire plus
avec mon corps : Allez plus vite, sauter plus haut, passer là où je ne pourrais
pas sans lui… et devenir le Number One
des velocross-kids et le wheeling king du village !
C'était donc avec une certaine perplexité que je voyais quand même d’autres kids, certains de mes petits camarades parfois, se retrouver à piloter de grosses guimbardes flambant neuves et déjà toutes branlantes, suréquipées et surtout incapable de nous suivre dans nos aventures.
Super Chopper Rock’n Roll avec catadioptres, levier de vitesse façon auto,
dérailleurs 3 vitesses ou plus, selles 2 places, gardes boue, barre de selle
chopper, fourche télescopique et double amortisseurs chromés.
J’avais 10 ans et j'étais consterné non seulement par le fait que les
parents de mes potes avaient gaspiller tant d’argent là-dedans mais surtout
parce que ces potes ne pourraient pas jouer avec nous, nous suivre dans nos
aventures de kids. J’avais 10 ans, c'était il y a 42 ans.
Aujourd’hui les gamins de 50 piges qui se sont trompés de jouet, qui se trimballent avec de grosses guimbardes suréquipées et rêvent d’aventures en remboursant leur crédit, on les voit dans les rues de villes, juchés sur leur GS.
Alors vous allez me dire “mais qui es-tu pour juger du bien, du mal, et des
préférences de chacun en matière de consommation, de locomotion et de passion
?”. Je dirais quelqu’un qui s'intéresse à la nature des choses plutôt qu'à
l’apparence des choses. Selon Platon, donc, un philosophe. Selon moi, et dans
le contexte qui nous importe ici, un motard.
Comme une sorte de M. Jourdain, je faisais de la moto depuis des années,
j'étais passionné et je cherchais toutes opportunités de piloter une moto,
(même pour “juste un tour” !) sans savoir, sans même avoir pu imaginer, que
c'était “cool”.
Plier l’affaire ne devrait pas prendre longtemps étant donné qu’on peut rapidement établir que cette moto est à la fois, la plus lourde, la plus moche et la plus chère. Merci, au revoir.
Mais j’en vois déjà qui commence à se débattre, et c’est mignon. Vous
sentez monter le “remords de l'acheteur”. Vous sentez en vous l'étau de la
contradiction doucement se resserrer et enclencher le préchauffage de vos biais
cognitifs ?
“Elle est pas moche !”, “c’est une question de goût !”, “la 1300 est moins
lourde !”, “c’est pas cher par rapport à une voiture !”, “la qualité à un prix
et tu t’y retrouves dans le temps !”... Blablabla
On appelle ça de la “rationalisation”. Apparemment c’est comme ça pour la plupart de nos décisions d’achat. 1) on décide, émotionnellement (!), d’acheter et 2) on utilise notre “raison” pour justifier notre acte d’achat.
Bon, procédons point par point et essayons de nous enlever la merde de
yeux.
- Lourde
:
N’avez-vous jamais entendu la phrase “Light is right” ?
BMW 1250 GS | 249 kg |
Harley-Davidson Pan America 1250 | 245 kg |
Ducati Multistrada V4S | 243 kg |
Honda Africa Twin 1100 | 240 kg |
KTM 1290 Super Adventure R | 221 kg |
La légende, littéralement : “on est rentré en stop”
- Moche :
Une chose est sûre, “la beauté est dans l'œil du spectateur”. Mais
l’esthétique, elle, est dans les proportions, la symétrie, la régularité et la
tension des lignes, les motifs, les rythmes, la théorie des couleurs etc…
Vous pouvez la trouver belle, comme vous pouvez trouver la Porsche Panamera
Gen 1 belle ou le premier Porsche Cayenne beau, mais ces deux exemples sont des
preuves à charge. Ces deux voitures, la Panamera en particulier, ont été
reconnu par le président de Porsche en personne comme étant “pas tout à fait
réussie esthétiquement” (“moche” en langage « corporate ») et
pourtant, influencé par la “valeur” de ces status symbols, les clients,
les propriétaires ainsi qu’une partie du publique l’ont trouvé “belle”.
L’esthétique est un art, la beauté une émotion, et la GS un laideron.
Et c’est loin d’être la photo la plus moche que j’ai
trouvé
- Chère
(tellement)
3 motos neuves qui font chacune bien mieux que la GS
dans chacune des applications qu’elle prétend couvrir (route, off road, ville)
Ou
une moto similaire, genre AfricaTwin + un raid type
Africa Eco Race
Ou
Un tour du monde complet avec une chouette bécane.
La démesure du prix de la GS donne le vertige à tous les motards qui savent
ce qu’ils font.
Effectivement si vous êtes dentiste, notaire ou assureur, et que votre vie
a simplement un 0 de plus à chaque opération, qu’est-ce que ça change ?
Mais quand on paie plus du double pour quelque chose, est-ce qu’on n’attend pas
“plus du double” dans sa performance, son usage ou simplement sa valeur ?
Avec la GS vous pouvez faire la même chose, voire moins, qu’avec une autre
moto, pour 2 à 3 fois le prix.
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Ayant établis les 3 principaux traits de la GS, nous pouvons maintenant
adresser ses défauts, en commençant par le numéro 1, le premier d’entre tous et
celui qui représente la véritable essence de la GS : Le moteur de deudeuche.
Bicylindre à plat en position longitudinal ou flat twin à 180° pour les
intimes ou encore Boxer pour le marketing.
Déployé sur les motos de l’entre deux guerres, ce choix technique présente 3 avantages :
- Bon équilibrage des vibrations
- Abaissement du centre de gravité
- Refroidissement par air optimal
Coté inconvénient, dès le départ on notera :
- Esthétique peu flatteuse
- Encombrement en largeur
- Effet gyroscopique sur l'équilibre de la moto
On peut tout de suite supprimer les avantages en rappelant que :
- Un V twin à 90° diminue aussi les vibrations
- Le centre de gravité de la GS n’est pas son point fort
- la GS est à refroidissement liquide, depuis 2013
Pour la petite histoire, et pour ceux qui ont suivi les grandes aventures de la moto tout terrain, l’ADN de la GS a été créé sur les pistes du Dakar, dans le Ténéré, entre Tombouctou et Bamako et sur les bords du Lac Rose, aux mains des Gaston Rahier et autre Hubert Auriol, à une époque où elles étaient pratiquement les seuls bicylindres sur la ligne de départ. Et c’est bien de ces succès du passé que se nourrissent les vendeurs de Béhèmes, les samedis matin dans les concessions bien fréquentés.
Alors on pourrait faire un parallèle, encore une fois avec Porsche et son
choix d’être resté fidèle à une technologie désuète et inadaptée, en
l'occurrence le moteur en position arrière. Mais l’histoire n’est pas la
même car si la 911, à grand renfort d’électronique et d'ingénierie allemande,
est restée une véritable “machine à gagner”, il en est tout autrement de la
GS.
En effet, votre concessionnaire ne vous racontera pas comment, dans les
années, 90, BMW s’est lancée dans une contre-offensive en compétition, sortant
la HP2 en enduro et misant gros sur ses budgets Motorrad et ses prouesses
d’ingénierie pour lancer un Nani Roma à l'assaut du Dakar, avec la BMW R 900
RR, et pour finalement signer l'arrêt de mort de cette technologie en
compétition.
Il n’y a pas de somme d’argent, de génie de la mécanique, ou de virtuose du
pilotage, qui peut faire gagner cette techno.
Un vrai guerrier … avec une truelle à 200 000 €
Bon, ok c’est pas une moto de compet’, mais “moi c’est l’aventure mon truc, pas le chrono”… Et bien là non plus, ça ne marche pas.
A moins d’avoir le budget de la BBC et une 3e moto pour un cameraman (oui,
c’est toi que je regarde Obi-Wan) ton aventure en GS se limitera à aller au
travail, faire de la jolie route et occasionnellement mettre une roue dans les
gravillons en priant maman de revoir le bitume au plus vite.
Il faut le reconnaître, la machine, à la manière d’une mule, peut être chargée
outrageusement. Ça tombe bien car avec 250 kg au départ, le vrai bonheur de
l’aventurier serait de pouvoir ajouter 100 kg de bagages pour être sûr que la
moto ne bougera pas si elle se pose dans le mou ou se couche dans l’herbe
fraîche.
CRF 300 L, DRZ 400, KTM 500 EXC, HVA 701, Ténéré 700, Transalp, XR et même
Royal Enfield Bullet sont de meilleures motos d’aventures que la GS. A moins
que votre vision de l’aventure consiste à savoir qu’en cas de pépin, un coup de
fil à ARC Europe Group et un KitKat pour attendre la dépanneuse feront
l’affaire pour être au chaud et au sec dans la soirée.
Le net, comme les discutes de motards, regorge d'histoires de wannabe
aventuriers qui se sont acheté la panoplie complète chez BMW pour finalement
revendre le tout et suivre l’exemple d’une Itchy Boots.
Bon bin… qu’est ce qui me reste ? ah, Fiabilité légendaire
!
A la manière des gens qui parlent de “Windows-qui-crash-tout-le-temps” en
2024 comme si nous étions encore en 1998, il y a les gens qui parlent de la
fiabilité des Béhèmes comme si les années 70 et l’invasion japonaise n'était
jamais passée par là. Quant à savoir si ce serait une bonne idée de trimballer
50 kg de métal en plus sur 80 000 km pour ne pas avoir à changer une pièce à
150 €, je vous laisse faire le calcul.
Coté fiabilité il y a aussi un nouveau facteur dont la GS est
particulièrement friande, et qui vous attend dans vos futurs “aventures” :
l'électronique. Du tableau de bord panoramique 3D aux unités centrales de
computation en passant par les batteries de capteurs et les moteurs
électriques, comme disent les américains “what could go wrong ?”.
Oh mais j’oubliais !
Une chose qu’il faut reconnaître à la grosse, c’est ce commentaire de toute
personne qui a fait au moins quelques tours de roue avec elle : “Il faut
l’essayer, c’est bluffant”. Ce qui est bluffant c’est, apparemment, sa capacité
à “faire oublier son poids”. (C’est charmant, ça me fait penser à une copine…
mais passons.)
En creusant un petit peu plus, en questionnant les enthousiastes, on obtient
souvent ce genre de commentaires : “tu décolle”, “tu flotte”, “tu sens plus la
route”...
Et pour moi c’est bien là que le bât blesse : “tu sens rien”.
Un pote du service militaire (et oui, suis pas un poussin de l'année) qui
n'était pas le dernier pour sortir des bonnes vannes avait cette phrase que je
trouvais désopilante : “allez, laisse moi te faire l’amour, je te promets tu
sentiras rien”.
Bin c’est ça, la GS :
Viens faire un tour, je te promets tu sentira rien
¯\_(ツ)_/¯
Alors, on a fait le tour cette fois ?
Enfin on pourrait, que dis-je, on doit ! parler de la
1300.
Avec un budget R&D qui aurait permis de réaliser la fusion à froid ou même de faire repousser les cheveux des GSistes, la firme allemande à repensé son monstre. Plus légère, plus routière, plus gavée de technologie… mais ! Je croyais que la 1250 était la moto parfaite et vous me dites que la 1300 a corrigé tous ses défauts ? Qu’elle était trop haute à l'arrêt, que je me cognais le tibia droit dans la culasse, qu’elle était trop lourde, que la direction était complètement floue à cause du Telelever, que le mode confort était un véritable trampoline… On m’aurait menti !?
Oui gars, on t’a menti. Et puis tu t’es menti à
toi-même aussi.
Et puis on t’a dit que c'était une moto extraordinaire et que ça justifiait
son prix.
Enfin on t’a laisser penser que si, toi aussi, tu te mettais à califourchon là-dessus,
tu serais un mâle alpha, un winner, simplement en faisant un virement et sans
avoir à te faire pousser une vraie paire de boules.
On t’a menti.
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En réalité je crois qu’on juge une bécane par rapport à son mètre étalon,
sa machine ultime, sa bécane de rêve. Par exemple, pour moi qui aime le tout
terrain, c’est la Honda CRF 450 R. J’aime toutes les machines qui lui
ressemblent, de quelques couleurs qu’elles soient. Bien sûr c’est une bécane
extrême et je ne peux pas me la payer, et puis surtout, je ne pourrais pas
aller chercher le pain ou faire des petits chemins avec. Mais je juge
(inconsciemment jusque-là) une moto à la distance qui la sépare de la 450 CRF.
Pour d'autres, j’en connais, c’est la Ducati Panigale V4, ou la Yamaha R1 M.
Route, roadster, custom, trail, aventure, enduro, cross, trial… il y a
toutes sortes de motards, et ils ont chacun leur bécane de rêve.
Et pour les acheteurs de BMW GS, leur bécane de rêve, c’est - roulement de
tambour - le BMW X6 M ! Ou quelque chose du genre. C’est à dire qu’ils ne
sont pas tout à fait des motards …et grand bien leur fasse.
"Comment se fait-il que la reine des ventes, la grosse cylindrée la plus vendue de toutes, et de loin, soit une telle bouse ?" J’ai enfin trouvé la clef du mystère et vous pourrez me remettre ma médaille plus tard si vous voulez.
La GS n’est pas une moto de motard mais une moto d’automobiliste. Et comme les motards représentent moins de 1% des utilisateurs de la route, il y a 100 fois plus d’automobilistes que de motards. Avec un marché 100% plus grand, comment une machine pourrait ne pas éclater toutes les autres en termes de vente ?
C’est pour cela qu’il ne faut pas confondre moto la plus vendu avec
“meilleure moto”. C’est vrai pour tout d’ailleurs, sinon Squeezie serait le
français le plus intéressant…
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En conclusion je dirais qu'à 50 piges je ne me fais plus d’illusion sur les raisons qui poussent les gens à s’acheter des gros machins inutiles, ni sur le fait qu’on pourrait éventuellement les faire changer de camp. Simplement, je m’adresse à ceux qui veulent aller jouer à la moto dans la terre, dans les environs ou à l’autre bout du monde, et j’ai juste envie de vous dire que je suis fier d'être des vôtres…
A bon entendeur
Rich